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L'âne d'un jardinier se plaignait au destin De ce qu'on le faisait lever devant l'aurore. « Les coqs, lui disait-il, ont beau chanter matin ; Je suis plus matineux encore. Et pourquoi ? pour porter des herbes au marché. Belle nécessité d'interrompre mon somme ! » Le Sort, de sa plainte touché, Lui donne un autre maître ; et l'animal de somme Passe du jardinier aux mains d'un corroyeur. La pesanteur des peaux, et leur mauvaise odeur Eurent bientôt choqué l'impertinente bête. « J'ai regret, disait-il, à mon premier seigneur. Encor quand il tournait la tête, J'attrapais, s'il m'en souvient bien, Quelque morceau de chou qui ne me coûtait rien. Mais ici point d'aubaine ; ou, si j'en ai quelqu'une, C'est de coups. » Il obtint changement de fortune, Et sur l'état d'un charbonnier Il fut couché tout le dernier. Autre plainte. « Quoi donc ! dit le Sort en colère, Ce baudet-ci m'occupe autant Que cent monarques pourraient faire. Croit-il être le seul qui ne soit pas content ? N'ai-je en l'esprit que son affaire ? » Le Sort avait raison ; tous gens sont ainsi faits : Notre condition jamais ne nous contente; La pire est toujours la présente. Nous fatiguons le Ciel à force de placets. Qu'à chacun Jupiter accorde sa requête, Nous lui romprons encor la tête. |
Créé le 17-01-2009 12:32:24 |